Pourquoi tu t’entêtes à… tout laver à 40° ?

Les Français ont plus de choses en commun qu’ils ne veulent bien l’admettre. À l’heure où le pays est décrit comme divisé, on trouve encore des sujets qui rassemblent, qui fédèrent, qui donnent envie de taper sur l’épaule de son voisin de bus en lui disant « ouais mon frère, toi et moi on est pareils ». Des choses que l’immigré et que celui qui le dénigre font de la même manière. Des thèmes sur lesquels le militant communiste et le grand patron qu’il fustige se rejoignent. Des questions auxquelles l’homosexuel et l’homophobe ont la même réponse. Je ne parle évidemment pas des besoins primaires, communs à l’humanité entière sans distinction de culture, de couleur ou d’origine (Oui, Scarlett Johansson ou Ryan Gosling sont comme nous tous : il leur arrive de péter, de faire caca, d’avoir des remontées acides et de sentir mauvais de la bouche. Rappelons-nous de ça).

Non, je parle d’autre chose, d’un sujet moins anodin qu’il n’y parait : la lessive. On doit passer plus ou moins 100 jours de notre existence à la faire ou à l’étendre, alors vous conviendrez que la question n’est pas sans importance. La lessive, c’est un truc plutôt en bonne place dans la liste des corvées. Depuis que ça existe, c’est même souvent sur le podium lors des championnats du Monde des choses qui nous emmerdent. Alors pour que ce soit le moins pénible possible, on a tous pris quelques habitudes pratiques, qui font gagner du temps et évitent bien des questionnements existentiels. Déjà qu’il faut collecter, trier, laver, plier, ranger et reconstituer les paires de chaussettes lorsque c’est encore possible, alors on a tous le droit de se simplifier un peu la vie, pas vrai ? Du coup, les Français sont très nombreux à se simplifier la vie en lavant à 40°.

Parce que c’est chouette, que c’est écrit sur le paquet de lessive, que c’est le nombre de voleurs dans Ali Baba et que ça tombe pile poil entre 30 et 50. Bref, la lessive à 40° n’est pas loin de faire l’unanimité dès qu’il s’agit de laver les vêtements de tous les jours pas trop fragiles. Quiconque a déjà fait une lessive dans sa vie a déjà opté pour ce chiffre magique, c’est une certitude. Sauf que je déteste les choses qui font l’unanimité et que je suis du genre à plomber l’ambiance, alors je vous le dis : on s’est tous plantés, tous. Oublions la lessive à 40°. Voilà, c’est dit. Le pavé est dans la mare. Renonçons à cette routine, faisons le deuil de l’une des rares choses qui unissait encore le peuple de France. La lessive à 40°, en fait, c’est plutôt celle qui ne sert à rien entre les lavages à froid des textiles très délicats et les lavages à 60° des textiles sales.

Notre température favorite n’est pas la bonne. Tout simplement parce que laver à 40° n’est pas plus efficace que de laver à 30°. Et si vous êtes du genre à détester chambouler vos petites habitudes, il reste un argument ultime pour vous faire changer d’avis : non seulement ça ne lave pas mieux, mais ça fait consommer à la machine à laver beaucoup plus d’électricité. Alors agissons pour la planète et pour nos factures EDF, et tournons tous ensemble la molette un cran avant. Le temps que tout le monde soit au courant, évidemment la France sera divisée. Sceptique. Méfiante. Mais dans quelques mois tout sera réglé : on aura à nouveau un gigantesque point commun, on aura limité notre impact écologique et on aura donné un peu moins de sous à notre fournisseur d’électricité, ce qui nous aura fait gagner en pouvoir d’achat. Et nous permettra de relancer peu à peu l’économie nationale.

Bref… Et si ce sujet qui vous semblait anodin était en fait le signe tant attendu du renouveau français ? En attendant la reprise, je vous laisse : j’ai du linge à étendre.